Violon

Violoniste et violoneux

Sujet Moeurs et coutumes, Pau, Fête calendaire, noël
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Auteur Etnopòle occitan (CIRDOC-Billère)
Date 1900
Lieu Occitanie

Un instrument, deux pratiques

Le violon est issu de l’évolution de deux instruments à archet, les rebecs - très présents dans l’iconographie locale, ainsi les fresques de Lugaut dans les Landes, les sculptures de la Cathédrale d’Oloron et les violes. Il apparaît en Europe au début du XVIe siècle et a toujours bénéficié d’une place prestigieuse dans les musiques savantes et populaires.

Violon

"Il apparaît en Europe
au début du XVIe siècle."

Deux définitions trop répandues :

  • Violoniste : n. personne qui joue du violon
  • Violoneux : n. m. fam. Mauvais joueur de violon. // Ménétrier de campagne

Voilà révélée en deux mots l’infortune des ménétriers que ces notions, communes à bien des dictionnaires, condamnent à mal jouer ! Les anglais l’ont bien remarqué et font soigneusement la distinction entre le violonist qui joue du violin et le fiddler qui fait danser au son du fiddle. « Honni soit » donc, au pays d’Edouard III, celui qui confondrait les deux instruments !

Joueurs de violon

Nos vrioloaires aquitains, humbles ménétriers de campagne, n’ont pas eu cette chance, d’où de regrettables confusions entre deux types de pratiques pourtant clairement identifiables par leur répertoire et leurs techniques de jeu. Ainsi, au début du XIXème siècle, le Vicomte de Méthivier explique, dans " De l’agriculture et du défrichement des Landes ", que le violon, vient entre les mains d'un ménétrier inhabile, faire entendre en plein air ses sons discordants. Cet instrument si ingrat, a besoin d'une main habile, pour inspirer ce charme que savent lui donner les Rode et les Baillot. Alors que, quelques décennies plus tard, Félix Arnaudin n’abonde guère dans ce sens, ainsi les joueurs de violon de la Teste et des autres localités du Buch […] étaient souvent appelés autrefois aux mariages des familles riches du pays, désireuses d'offrir à leurs invités de la musique un peu plus sortable. De quoi être bien payé et bien reçu ! Les collectes du XXème siècle montrent d’ailleurs que du Béarn à l’agenais, le statut de l’instrument était partout excellent.

Violoneux

Résiduel dans les années 1920-30, le savoir-faire des violoneux aquitains, aurait été perdu s’il n’y avait eu quelques rencontres heureuses dans les années soixante-dix. Né avant la fin du XIXème siècle, ces dépositaires des "vieilles pratiques" se faisaient alors bien rares.

"le vrioloaire apprenait toujours "d’oreille"
avec un voisin musicien."

Leur témoignage montre que le vrioloaire apprenait toujours "d’oreille" avec un voisin musicien, en échange de quelques volailles et joue sans complexe en bas du manche. Il n’hésitait pas à chanter en jouant (Scottish double) et agrémentait souvent son jeu du carillon de grelots attachés à son pied. La cadence primant sur la mélodie, son coup d’archet incisif rythmait la danse et son style complexe mêlait à la mélodie de multiples bourdons et des accords de quinte souvent dissonants (Seguida de rondèus). En vallée d’Ossau, des cartes postales de la fin du XIXème siècle montrent qu’un barrage monte l’accord du violon d’un ton.

Violon grelots

Ainsi les violoneux ossalois évitaient les doigtés difficiles pour développer un jeu original complémentaire de celui des flûtes. Tous ces violoneux utilisaient souvent l’accord classique abaissé d’un ton pour économiser les cordes. Fragiles et chères, il fallait aller les acheter à la ville, autant de bonnes raisons pour les ménager !

Violoneux ruraux

Une évolution continue va transformer le ménétrier campagnard de la fin du XIXème siècle en violoniste rural dans les années 1950. Parmi les multiples causes, la Guerre de 14-18 et ses millions de morts, qui a privé les campagnes de musiciens expérimentés porteurs du répertoire, des techniques de jeu et des traditions. Leur présence dans la vie sociale des années 1930 aurait sans doute ralenti une évolution par ailleurs inéluctable.

"Beaucoup abandonnent,
d’autres apprennent l’accordéon."

L’après-guerre signe une volonté de renouveau à laquelle n’échappe pas la musique des campagnes. Les polkas (Polka), scottishs (prononcez escottiches) (Scottish), mazurkas et valses déjà présentes à la fin du XIXème siècle gagnent du terrain sur le répertoire traditionnel avant d’être chassées par les airs à la mode des années 1930.

Violoneux

C’est alors que les partitions des airs diffusés par la radio apparaissent chez les marchands de musique et, au cours des bals, certains danseurs mettent les violoneux au défi de lire les partitions qu’ils apportent. Comparés aux violonistes classiques qui "lisent" la musique, ces musiciens routiniers, qui "ne savent pas les notes", passent pour des analphabètes musicaux. Beaucoup abandonnent, d’autres apprennent l’accordéon, largement moins exposé, mais les plus tenaces commencent à s’initier au solfège ! Leur style aussi se modifie car ces airs nouveaux demandent une technique différente (Quadrille bordelais). Ainsi, comme les mélodies deviennent prééminentes sur le rythme et que leur ambitus grandit, leur exécution nécessite de démancher en déplaçant la main gauche sur le manche du violon, technique tout à fait étrangère au jeu des anciens violoneux qui la laissaient près du sillet. (Scottish double)

"c’est le temps de la Java bleue,
des Chevaliers de la lune,
de Riquita, jolie fleur de java …"

Dans les années 1970-80, le ménétrier campagnard que les chercheurs aquitains ont collecté est le plus souvent un violoniste rural. Né après la guerre de 1914-1918, il apprend d’abord le violon de routine mais s’impose vite des leçons de solfège et de violon classique, l’alphabétisation générale aidant, il est alors de bon ton de lire la musique. Il délaisse les airs anciens et enrichit son fond de répertoire - polkas, mazurkas, valses…- des airs à la mode, c’est le temps de la "Java bleue", "des Chevaliers de la lune", de "Riquita, jolie fleur de java"…. Par imitation des violonistes classiques, son jeu s’orne de  "glissandos" (Polka) et de "démanchés" souvent mal maîtrisés et son coup d’archet perd parfois la cadence en interprétant pasos dobles et tangos. Mais, au delà de cette fuite en avant dans la technique et le répertoire, ces musiciens animaient fêtes de campagne et mariages avec compétence et efficacité.

Aire de jeu

La pratique du violon semble avoir largement baigné l’ensemble de la Gascogne et au-delà, de l’Aquitaine de façon très ancienne. Des contrats d’apprentissage "d’artisans-ménétriers" apprenant violon, ou violon et couple flûte/tambourin, sont connus en Gascogne dès le XVIIe s. D’ailleurs, les témoignages recueillis par F. Arnaudin montrent l’existence d’une forte densité de violoneux autour du Bassin d’Arcachon et dans le Buch et le Born à la fin du XVIIIème siècle. Plus récemment, les enquêtes révèlent l’existence de traditions de violon, encore très présentes durant l’entre-deux guerres, dans le Lot-et-Garonne, le Bazadais, du Marsan aux rives de l’Adour, et enfin en Béarn où il est aussi largement présent dans l’iconographie pyrénéenne du XIXème siècle. (Borrèia), (Quin te va l'aulhada)

Transmission

Au cours de l’entre-deux guerres l’instrument garde un statut prestigieux mais ce soliste naturel doit alors participer à la formation de groupes musicaux imposés par l’évolution de la société et des modes. Ces petits orchestres ruraux ne survivront guère au-delà des années cinquante.
Heureusement, au cours des années 1970, de jeunes musiciens "folk" sont partis spontanément à la recherche du répertoire et du style des violoneux gascons. Leur rencontre avec l’ancienne génération de ménétriers-paysans a permis à cette pratique de connaître une renaissance durable.

Joueur de violon