Quilles de neuf

Dans le Béarn depuis le XVème siècle

Sujet Artisanat, Béarn, Quilles, Bois
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Auteur Mathilde Lamothe (laboratoire ITEM EA 3002, Université de Pau et des Pays de l’Adour) ; Etnopòle occitan (CIRDOC-Billère)
Editeur CIRDOC - Institut occitan de cultura
Lieu Béarn (Pyrénées-Atlantiques)

Les techniques de fabrication des quilles de neuf (quilhàs de nau) ont évolué au début du XXe siècle tant grâce aux innovations technologiques et à la mécanisation des appareils, qu’au renouveau du jeu des quilles à l’entre-deux-guerres avec des variantes dans la forme, la taille et la matière.

Des quilles en bois

Les quilles de neuf sont fabriquées en hêtre, tandis que la boule est en noyer. Autrefois, le bois de hêtre était coupé localement en hiver, après les premiers gels pour que la sève redescende. Cela permettait au bois d’être plus léger et de mieux se conserver. Dès lors que la matière première locale fut épuisée, le hêtre fut coupé en vallée d’Aspe.

Actuellement, le calendrier de coupe n’est plus respecté et pour des raisons de coûts, l’achat du bois s’effectue localement. Le hêtre provient, soit du stock de l’artisan, soit des particuliers qui commandent des jeux de quilles de neuf et qui fournissent alors la matière première.

Durée de vie d'une quille

La durée de vie d’une quille dépend du joueur, s’il est débutant ou non, de sa force et de la régularité de ses entraînements. Une quille, avec laquelle on joue quotidiennement, peut durer trois mois, voire moins s’il s’agit de la quilha de man (quille de main), c’est à dire la première quille qui reçoit le choc de la boule. Selon les quilhons, "ceux qui les cassent, ce sont ceux qui ne savent pas jouer".

Dimensions et mesures particulières

Pour répondre à la demande des joueurs qui recherchaient, lors des compétitions, davantage d’équilibre et de régularité des boules et des quilles, la poignée de la boule a été légèrement inclinée pour modifier le centre de gravité, la poma ("pomme" - le renflement au milieu de la quille) a été déplacée dans le sens de la hauteur et le diamètre du pied a été élargi.
Aujourd’hui, une quille pèse 2,9 kg maximum. Contrairement aux quilles de la fin du XIXe siècle, qui mesuraient entre 85 et 90 cm, les quilles actuelles mesurent environ 96 cm de hauteur, 6 cm de diamètre à la base et 16,2 cm au niveau de la poma. Exception faite pour la quille spéciale, lo nau ("le neuf") qui présente un diamètre de 14 cm au niveau de la poma.
La boule pèse entre 6 et 6,2 kg pour un diamètre de 26,5 cm.

Fabrication

Les 8 quilles et "le neuf"

Les quilles comprennent trois parties : la tête, la poma et le pied. Deux types de fabrication coexistent : le monoxyle (une seule pièce de bois) et le collage de trois à cinq blocs de bois.

Fabrication monoxyle :

Après avoir été coupé, le bois est débité en carré de 19 par 19 cm, puis dégrossit à la scie à ruban. Vient alors le tournage de la pièce de bois à deux centimètres de plus que sa taille finale, soit environ 19 cm pour une "pomme" de 16,2 cm. Suite à ces premières étapes de fabrication, le bois est stocké une année. Dans un souci d’optimisation, les chutes de bois sont récupérées pour fabriquer les pièces qui seront assemblées par collage.

Assemblage "à entures multiples" ou "bouvetage en dents de scie" :

Cette technique permet d’emboiter les chutes, de chaque côté de la pièce principale, en multipliant la surface de collage par le nombre de bloc ajouté.

La quille est plantée de 300 clous, répartis sur la poma et le pied, afin de l’alourdir et de la renforcer. Plantés à la main, les clous permettent d’éviter l’effritement du bois provoqué par les chocs répétés de la boule. Auparavant, le nombre de clous était variable, ils étaient plus ou moins serrés afin que la quille fasse un poids correct. Tandis qu’actuellement, la régularité est recherchée

Les 250 clous de la poma sont répartis sur cinq lignes régulières, sauf pour lo nau ("le neuf") qui n’en a que trois. L’artisan marque les lignes à l’aide d’une molette crantée lors du tournage. Pour ajuster le poids de la quille, il joue sur la longueur des clous.

Une collerette au sommet de la quille, ainsi qu’un ruban de trois couleurs autour de sa tête la décore. Le jeu de couleurs est propre à chaque artisan : rouge/or/rouge pour Pierre Vidal, bleu/rouge/bleu pour Alain Ducassou ou encore bleu/blanc/rouge pour Pierre Navarron qui apposait également son nom.

Les extrémités de la quille sont ensuite coupées à l’aide d’une scie à métaux.

La boule

La boule est fabriquée suivant les mêmes principes que les quilles : à partir d’un rondin de bois scié et tourné. C’est la réalisation de la poignée qui nécessite le plus de travail : jusqu’à deux heures pour faire des trous à la perceuse, aux ciseaux à bois et à la gouge pour dégager la partie qui servira de poignée. Si le bois est trop léger, certaines boules peuvent être plombées jusqu’à l’obtention du poids idéal.

Apprentissage et transmission de la pratique

Depuis le renouveau du jeu de quille de neuf, les jeunes pratiquants sont de plus en plus nombreux. Ils s’entraînent souvent et usent davantage de matériel. Pour approvisionner les clubs en jeux de quilles de neuf, il faut des artisans formés à ce savoir-faire. Très peu nombreux, les quelques fabricants, formés informellement, maitrisaient déjà les techniques de travail du bois tels que le tournage. Malgré une demande relativement importante des joueurs et des clubs, la survie de cette activité complémentaire dépend de la transmission directe du savoir-faire d’un artisan-menuisier à un autre.

Diffusion de la pratique

Jusqu’au milieu du XXe siècle, Pierre Navarron, alors fabricant de quilles, envoyait des jeux de quilles de neuf à Los Angeles, Buenos Aires ou encore New-York. En effet, les quilhons exportèrent le jeu à Bordeaux, Paris mais également en Algérie et dans les deux Amériques.

 


Cette page contient des extraits de la fiche d'inventaire du Patrimoine Culturel Immatériel décrivant cette pratique.
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