"Esquerer"
« Esquerer » un troupeau avant la transhumance est un moment très important. Ce terme occitan francisé désigne le moment où le berger accroche au cou des bêtes les sonnailles. Il choisit avec soin quelle brebis, vache ou jument portera telle ou telle sonnaille, et cela pendant toute la saison ou bien seulement le temps de la route vers l’estive.
Les sonnailles de route sont grosses et produisent des sons graves. Elles permettent de scander la marche du troupeau pendant les longues heures de marche soutenue. Il faudra donc une bête assez forte pour la porter et possédant le rythme approprié à la bonne marche du troupeau : ni trop vite, ni trop lentement. Elle devra aussi être capable de la faire sonner correctement. Cela nécessite de la part du pasteur une très bonne connaissance de ses animaux.
D'autres bêtes vont porter des sonnailles pendant toute la période d’estive. L’éleveur choisit le type approprié à l’animal en fonction de son caractère et de sa connaissance du terrain. Cela permettra de donner toute une série d'informations qui lui permettront de savoir où se trouve le troupeau et s’il est au complet. Certains pasteurs choisissent avec soin le son d’ensemble de leur troupeau. Ils harmonisent les différents sons à la manière d’un compositeur. La recherche d’une harmonie particulière implique un choix de sonorités appropriées dont témoigne Joseph Libarle Laborde, berger en vallée de Barétous :
« On a notre son, notre oreille, et... on fait sonner. Souvent j’ai pas le temps d’aller à Nay, si je vais à Nay c’est que j’ai commandé ma cloche, j’y vais avec deux trois cloches pour les faire accorder, ça s’accorde comme un instrument de musique c’est exactement pareil. Plus ou moins bien mais… on y arrive et sinon des fois à la foire du 1er mai, la famille Daban viennent ici à Sainte-Croix d’Oloron, là, à la foire, et là ils étalent des cloches par numéros, des séries et là on les fait sonner jusqu’à ce qu’on trouve celles qu’il nous faut. Après, on prend à peu près et on va la faire retaper pour vraiment lui donner le son qu’il faut, et… il faut qu’on les fasse sonner trois, quatre fois, on y revient, on la pose, on met de côté euh. C’est... on y passe un peu de temps dedans. »
Le berger constitue ou hérite de l’identité sonore de son troupeau. Cette pratique est essentielle, elle sert de marqueur vis à vis des autres troupeaux. Le son comme identité du troupeau se confirme dans le fait que les éleveurs sont capables d’identifier leurs troupeaux respectifs.