Carnaval de Géronce

Le plus vieux Carnaval du Béarn

Sujet Carnaval, Géronce, Rite de passage, Sonnailles
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Auteur Jean-Jacques Castéret ; Etnopòle occitan (CIRDOC-Billère)
Editeur CIRDOC - Institut occitan de cultura
Lieu Géronce (Pyrénées-Atlantiques)

Le Carnaval de Géronce est sans conteste le plus vieux Carnaval du Béarn. Depuis des siècles Géronce et l’ensemble des villages du Josbaig (la vallée du Joos) ont su perpétuer la pratique des mascatèras (mascarades) qui fait leur célébrité dans toute la plaine du Gave, de Navarrenx à Oloron.

Historique

Jusqu’à la Première Guerre Mondiale la jeunesse de chacun des sept villages du Josbaig faisait carnaval. Partout, la mascatèra était d’un type très simple reposant uniquement sur la troupe des quêteurs masqués qui, le matin du lundi gras, quêtaient de maison en maison. Chaque troupe se reformait le lundi après-midi et se dirigeait vers un point de ralliement commun à tous les villages : Saint-Goin dans les années 1900.

"Le Carnaval de Géronce est sans conteste
le plus vieux Carnaval du Béarn"

Dans ce cheminement, le passage devant chaque auberge faisait l’objet d’un arrêt et de la danse d’un saut. Chaque troupe de masques, alignés deux par deux ou trois par trois, est, à cette époque, précédée par des musiciens et par un jeune homme en habit civil portant le drapeau de la mairie de son village et par un esquiron (porte sonnailles). Son costume est fait de deux bandes de couleur différentes ou, vers 1920, d’une tenue militaire de hussard agrémentée d’un casque bricolé avec des rubans.

La figure de l’esquiron doté d’un cône est spécifique au Josbaig. Elle se rattache néanmoins à un type plus largement répandu dans l’ouest du Béarn, le sud-est d’Oloron et jusqu’en Barétous et Pays-Basque. Drapeau et esquiron sont, à cette époque, les emblèmes de chaque village et l’objet de la convoitise de la jeunesse des villages voisins qui n’ont de cesse d’essayer de les subtiliser.

"Drapeau et esquiron sont, à cette époque,
les emblèmes de chaque village"

Arrivée à l’entrée de Saint-Goin, chaque troupe était accueillie par les baladins de la commune, c’est-à-dire les conscrits de l’année, qui lui réservaient un saut d’honneur. Puis les baladins accompagnaient chaque troupe vers le coin de la place qui lui était assigné et où chacun organisait son propre bal sans se mélanger aux autres troupes. Après 1918 Géronce conservait seul la tradition de la mascatèra assortie de diverses évolutions.

On peut noter vers 1920 la multiplication des esquirons et l’ajout de chars fleuris. On dénombrait en 1965 deux porte-drapeaux, trois esquirons, une fanfare et un orchestre juché sur un char, le corso se composant de scènes inspirées de l’actualité. Le carnaval a, depuis, été organisé par le Comité des fêtes puis aujourd’hui par une association dédiée.

"Baptiston Pairdetots :
petit Baptiste Père de tous"

Au début des années 1970, les autres villages de la vallée de Josbaig s’associent : Orin, Saint Goin, Geüs, Aren, Préchacq. En 1983, un personnage créé par un artiste-peintre apparaît pour représenter l’emblème du bonhomme béarnais pendant le carnaval. Il est appelé en 2000, après consultation des habitants, Baptiston Pairdetots (en français : petit Baptiste Père de tous).

Mascarade ou Cavalcade

Le carnaval se déroule durant deux week-ends consécutifs après mardi-gras. Il se compose de plusieurs bals et d’une cavalcade qui, le premier dimanche après-midi, attire plus de dix mille personnes. La cavalcade, également nommée mascatèra, sous forme de « corso fleuri », traverse et mobilise l’ensemble des villages du Josbaig. Composé d’une quinzaine de chars présentant des sujets d’actualité sociale ou politique, ce grand défilé démarre du village d’Orin, traverse Géronce et Saint-Goin pour faire demi-tour à Geüs et revenir vers 18 heures à Géronce.

"Chaque traversée de village
fait l’objet d’un arrêt aux buvettes"

Chaque traversée de village fait l’objet d’un arrêt aux buvettes, l’arrivée finale étant couronnée par un repas puis un bal. Le corso est accompagné d’une partie de la population costumée – « les masqués » – l’actualité fournissant à nouveau le thème des costumes déclinés individuellement ou de façon collective. L’ensemble est accompagné par une banda placée en tête, derrière les blancs, et par des sonorisations branchées sur les batteries des tracteurs dont les hauts parleurs sont intégrés aux chars. Des DJ animent les arrêts dans chaque village de même que la soirée du dimanche et les bals de la période.

Les blancs : L’honneur du village

Les blancs ouvrent la cavalcade et forment la garde de Sent Pançard. Ce sont de tous jeunes hommes – autrefois les conscrits de l’année – qui, au nombre de 7 à 10, portent des drapeaux et « los esquirons » c’est-à-dire des trophées de forme conique fixés au sommet d’une perche, fait de lattes recouvertes de papiers colorés dont la base circulaire est garnie de sonnailles (esquiras) de vaches et de rubans flottants.

Variation des anciens baladins connus autrefois en Béarn et Pays-Basque, ils sont fardés et habillés de blanc décorant leur costume de guirlandes de papier multicolore, de sonnailles accrochées aux poches pectorales et d’autocollants. Cette garde est aujourd’hui composée des juniors du XV des Gaves – Union Sportive Josbaig guidés par deux hommes d’âge mûr qui les dirigent jusqu’à la fin de l’après-midi.

"Les blancs ouvrent la cavalcade
et forment la garde de Sent Pançard"

Installés en deux lignes parallèles, ils lancent trophées et drapeaux d’une ligne à l’autre, tous en même temps. Ils interviennent de façon privilégiée à l’entrée/sortie ou sortie/entrée de chacun des villages où la foule massée attend. D’un port gracile, résistants et agiles, les blancs sont l’honneur du carnaval et du village, opposés aux masques autrefois qualifiés de « tous très laids ». Silhouettes et visages diaphanes, ils deviennent, une fois grimés, des êtres affranchis de la pesanteur, dansant avec légèreté et lançant haut les drapeaux et esquirons. Caractéristiques de la symbolique de carnaval, ils incarnent à la fois le néant et la vie, l’âme des morts en errance au milieu des vivants, l’ambiguïté sexuelle, ils incarnent pour tous le passage de l’hiver au printemps et leur propre basculement d’une classe d’âge vers l’autre.

La chorégraphie contemporaine accentue leur ambigüité : après les lancers, l’un d’eux se retourne vers ses camarades et, avec le manche du trophée, il mime un mitraillage. Tous tombent comme morts pour se redresser très vite après dans un saut dynamique et régénérateur.

"Le Carnaval est l’affaire de toute la vallée
et de toutes les classes d’âge"

Transmission

Le Carnaval est l’affaire de toute la vallée et de toutes les classes d’âge. Géré par une association, sa préparation mobilise largement la population pendant deux mois : autant les blancs pour la confection de leurs habits et des esquirons que diverses équipes qui confectionnent les chars. Dès lors la transmission des valeurs et du savoir-faire de carnaval s’accomplit tout au long de la période à travers les récits, les photographies regardées et commentées en famille et entre amis, les circulations nocturnes de grange en grange où se réalisent les chars, bien entendu dans la cavalcade proprement dite, ou encore dans les échanges informels en milieu scolaire ou à l’occasion de projets pédagogiques.

 


Cette page contient des extraits de la fiche d'inventaire du Patrimoine Culturel Immatériel décrivant cette pratique.
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