L'origine de “Las Rapatonadas” vient du mot occitan rapaton, surnom populaire du diable en Haute Auvergne. Il s’agit d’un diable farceur, plutôt diablotin et espiègle, en accord avec l’esprit des fêtes du conte. Las Rapatonadas sont nées d'une volonté de faire connaître au public les résultats de recherches et de collectage auprès des conteurs traditionnels, de dévoiler cet héritage culturel, de faire émerger une création contemporaine et de confronter cette culture locale occitane aux expressions venues d’ailleurs. C'est ainsi qu'il y a 35 ans, La Setmana del conte voit le jour avant de laisser place à Las Rapatonadas en 1990. Rapidement le festival s’ouvre à des artistes d’ailleurs, dans un esprit de rencontres et de partage de valeurs communes.
Rapatonadas
Depuis plus de 35 ans, cette fête du conte et de l'oralité se déroule chaque mois de novembre à Aurillac et dans plusieurs communes du Cantal (Haute-Auvergne).
"Ouvert à des cultures étrangères
celles du Liban, du Maroc, ou encore de l’Ecosse,"
Petit à petit, de vrais spectacles ont commencé à s’installer et le concept du festival est né avec son lot de conteurs professionnels tels que Thérèse Canet ou encore Yves Durand. Dans un souci d’ouverture et de variété, le festival s’est peu à peu ouvert à des cultures étrangères comme celles du Liban, du Maroc, ou encore de l’Ecosse, puis à d’autres formes d’expressions artistiques (slam, chant, théâtre, vidéo).
Chaque année, le Rapaton prend ainsi place au théâtre d’Aurillac et dans plusieurs villes et villages du département.
Les Rapatonadas sur la fresque INA « 50 ans de Borbolh occitan » : https://fresques.ina.fr/borbolh-occitan-fr/fiche-media/Occita00063/les-rapatonadas.html
Contexte historique
Très vite, le propos du festival s’est étoffé et s’est enrichi. S’opposant à une représentation figée et poussiéreuse du conte traditionnel, raidie dans un passé idéalisé, les organisateurs ont au contraire souhaité montrer les arts de l’oralité dans toute leur vitalité, leur modernité, c’est-à-dire leur réinvention permanente et perpétuelle au contact du monde qui nous entoure et de celles et ceux qui le font.
C’est dans cette modernité que le festival puise d’ailleurs tout le propos qui confère sa légitimité et sa pertinence à sa démarche : montrer le conte, le théâtre populaire et le spectacle de rue comme ce qu’ils sont, c’est à dire des arts vivants, encore bien présents dans beaucoup de cultures du monde. C’est donc à un dialogue entre Occitanie et monde que les Rapatonadas invitent.
"De la Nouvelle-Zélande à l’Écosse,
et du Maghreb à la Provence"
Aux conteurs et artistes occitans sont donc venus s’ajouter, année après année, des diseurs, raconteurs, narrateurs du monde entier. De la Nouvelle-Zélande à l’Écosse, du Maghreb à la Provence, c’est donc une Occitanie-monde qui invite l’art de dire, c’est-à-dire la célébration du langage et de sa poétique par le truchement de la pluralité des langues-cultures.
La participation des conteurs invités à l’édition 2020 (dématérialisée) du festival : https://www.ieo-cantal.com/las-rapatonadas/edicion-2020-la-quarantena/edicion-confinhada/
Au fil du temps aussi, le festival s’est délocalisé. Il a gagné les quartiers périphériques d’Aurillac, ceux qui connaissent plus de difficultés que de merveilleux au quotidien, investissant les centres sociaux et culturels. Il a ensuite investi la banlieue, sauté la Serre et la Jordanne, poussé jusqu’à la Dordogne et aux confins du Rouergue, pour essaimer dans les villages où entre les volcans éteints se rallume la langue d’oc, que l’on avait l’impression de moins entendre depuis que les vieux s’en étaient allés. Loin d’offrir une approche repliée et frileuse, le festival se veut transgénérationnel, tous publics, aussi décentralisé et pluricentrique que possible.
"Loin d’offrir une approche repliée et frileuse, le festival se veut transgénérationnel,
tous publics, aussi décentralisé et pluricentrique que possible."
Avec sa pratique de la culture orale vivante et assumée, le festival des Rapatonadas nous invite à réfléchir au difficile concept de folklore. Si le mot, en France, baigne dans une image jaunie et terne de vieillards en dentelles fanées répétant inlassablement, comme des fantômes résiduels, les mêmes pas figés dans le temps, il n’a pas du tout ce sens dans le monde anglo-saxon. Le folklore, comme l’ont écrit Max Rouquette puis Claude Sicre, n’est que « l’apport, anonyme, quotidien et sans cesse réinventé, du peuple, dans sa pluralité, à la culture ».
Il est le blues et le veda, Gilgamesh et Pampaligòssa, les râgas indiens et le ragga de Kingston. Il est à ce titre réflexif, au double sens qu’il reflète les changements sociétaux et civilisationnels du monde qui l’entoure, et aussi qu’il propose une réflexion permanente sur ceux-ci. Il est aussi constructiviste, en perpétuel renouvellement et régénérescence, ce qui nécessite aussi une pratique active du conte : ainsi aux Rapatonadas, on ne se contente pas d’écouter et de participer auditivement : on devient faiseur et acteur.
"Le conte s’écrit,
s’inscrit dans un temps présent et à venir."
Le conte s’écrit, s’inscrit dans un temps présent et à venir. Le meilleur tour de force de Rapaton, c’est sans doute de permettre que ces choses puisées dans de très anciens vécus puissent ne jamais devenir de vieilles choses.
La participation des amateurs à l’édition 2020 du festival : https://www.ieo-cantal.com/edicion-confinhada/contaires-amators/