Boha

cornemuse des Landes de Gascogne

Sujet Instruments, Landes
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Auteur Association Bohaires de Gasconha en collaboration avec le Laboratoire ITEM, EA 3002 de l'Université de Pau et des Pays de l’Adour ; Etnopòle occitan (CIRDOC-Billère)
Date 1900
Editeur CIRDOC - Institut occitan de cultura
Lieu Landes (Nouvelle-Aquitaine)

La cornemuse connue aujourd’hui sous l’appellation de cornemuse des Landes de Gascogne, porte différents noms en gascon : boha, bohaussac, qui retiennent le critère du souffle, ou bien encore chalemina (du latin calamus, tuyau, roseau), mais on trouve aussi les termes de bohica, ou encore plus rarement et essentiellement en Bazadais et Landes girondines bonlora, dont la racine latine lura, sacoche, fait référence au sac.

Le terme gascon le plus couramment employé aujourd’hui est celui de boha.

Cornemuse des landes

De toutes les cornemuses présentes sur le domaine français, la boha s’en distingue par son type organologique. En effet, elle est la seule représentante du type « clarinette », ce qui signifie que, contrairement aux autres cornemuses qui ont un tuyau mélodique avec une perce conique pourvue d’une anche double – comme le hautbois – le tuyau mélodique de la boha a une perce cylindrique et porte une anche simple, à l’instar de la clarinette.

"la boha s’en distingue
par son type organologique"

Ce type de cornemuse n’est pas rare dans les pays de l’Est de l’Europe, aussi des questions se posent quant à d’éventuels rapports entre la cornemuse des Landes et celles de Hongrie et de Roumanie, notamment, cela d’autant plus que l’on constate des similitudes troublantes, non seulement quant au type organologique, mais aussi quant aux décors sculptés ou incrustés sur les parties en bois de l’instrument, entre autres choses.

Eléments de la Boha

Des questions se posent auxquelles il est difficile de répondre : y aurait-il eu contact entre les populations ? des idées semblables ont-elles germé en deux endroits distincts ? Entre diffusionnisme ou évolutionnisme, il est difficile de répondre, et même peut-être vain, mais le problème continue d’être posé, tellement la question des origines semble importante dans notre culture.

Organologie et décoration

Quoiqu’il en soit, la boha possède comme toute cornemuse une réserve d’air confectionnée dans une peau d’animal, généralement de mouton ici, et qui porte deux souches en bois qui reçoivent pour l’une le bohet, c'est-à-dire le tuyau d’insufflation de l’air que le musicien met en bouche, et pour l’autre le pihet qui est l’essentiel de l’instrument.

Boha

Ce pihet, confectionné comme le bohet dans un bois dur, généralement du buis, mais aussi en cerisier, en houx etc… comprend deux perces parallèles. L’une porte 6 trous de jeux (5 devant et un à l’arrière pour le pouce) et l’autre qui en comporte un seul généralement. Ce second tuyau n’est donc pas à proprement parler un bourdon, comme on en trouve sur les autres cornemuses du domaine français, mais plutôt un tuyau d’accompagnement ou semi-bourdon si l’on préfère.

"des motifs xylographiés rehaussés
d’encre de couleur rouge, verte ou noire"

Le tuyau mélodique permet de faire entendre une octave diatonique, et le tuyau d’accompagnement donne la fondamentale du tuyau mélodique lorsque le trou de jeu est ouvert, et dès lors qu’on l’obstrue, on obtient la quarte en dessous de la fondamentale. Les anches sont confectionnées d’un bloc dans un morceau de roseau ou de sureau, et quelques fois réalisées en deux parties : un socle en étain recevant une lamelle de roseau. On remarquera que le tuyau d’accompagnement pour un embout prolongateur nommé brunidé permet l’accord fin de ce tuyau.

Fêtes de Laruns
Fêtes de Laruns
Fêtes de Laruns
Fêtes de Laruns

Pour terminer cette description organologique, il convient de relever deux types de décorations sur les souches et les tuyaux mélodiques et d’insufflation : d’une part des incrustations d’étain à motif géométrique, qui permettent aussi de solidifier des points de fragilité, mais aussi des motifs xylographiés rehaussés d’encre de couleur rouge, verte ou noire. Lesquels motifs sont également géométriques mais aussi, parfois, figuratifs (oiseaux stylisés par exemple). Pour être complet il faut faire remarquer que les cornemuses anciennes retrouvées lors de collectes (un peu plus d’une quinzaine) permettent d’affirmer qu’il n’y a pas de tonalité déterminée. Si elles sont toutes situées dans le registre aigu, elles ne répondent pas à un étalon précis en ce domaine.

Eléments de la Boha

Historique

S’il est illusoire de vouloir connaître dans le détail l’histoire de cet instrument, au moins peut-on donner quelques jalons documentaires. Le plus ancien témoignage donnant à voir une cornemuse qui réponde en partie à la description de la boha est une sculpture datée de 1522 qui peut se voir à l’entrée de l’église d’Arx (Landes), et due à un sculpteur local.

"Félix Arnaudin conforte
cette image d’instrument pastoral"

Si certains documents écrits attestent de la présence de la cornemuse dans le sud de la Gironde dès le XVI° siècle, on ne connaît rien de leur organologie. Au XVIII° siècle des voyageurs citeront la musette – terme synonyme de cornemuse – comme instrument utilisé dans les Landes de Gascogne, puis différents auteurs du siècle suivant la citeront comme très répandue dans la région. Le vicomte de Métivier dans son ouvrage de 1839 la présente comme un instrument de berger, ce qui ne signifie pas pour autant que seuls ceux-ci en avaient l’exclusivité. Mais en 1912 Félix Arnaudin conforte cette image d’instrument pastoral.

"1914 - elle disparaît peu à peu pour
s’éteindre avec Jeanty Benquet"

Boha
Boha en sol
Salon des luthiers - Tradenvie

Il est certain que la cornemuse qui peut se confectionner de façon relativement aisée, était fabriqué localement par un artisan (sabotier, charron) mais aussi, et le plus souvent par le musicien lui-même, et qu’on la trouvait de ce fait dans les mains des plus modestes. Ceci est conforté par le fait que le joueur de cornemuse exerçait son activité essentiellement en milieu rural, et qu’il recevait pour les noces un cachet deux fois moins élevé qu’un joueur de violon, ce qui permet de se rendre compte du statut social de l’instrument.

"1970 - certains musiciens comme
Alain Cadeillan, la remettent à l’honneur"

Très jouée jusqu’en 1914, elle disparaît peu à peu pour s’éteindre avec Jeanty Benquet (1870-1957), dernier cornemuseux connu qui jouait aussi bien dans le groupe folklorique de Bazas que pour animer des tournées de conscrits ou des bals de campagne. Déjà stigmatisée comme instrument diabolique par certains curé de campagne (l’un d’entre eux ne dît-il pas un jour en chaire qu’un joueur de cornemuse est une bête qui souffle dans la peau d’une autre ?), ou pensée comme un vestige des temps anciens dès la fin du XIX° siècle, comme en témoigne la presse régionale de l’époque, elle était pourtant un instrument très prisé, qui n’avait pas son pareil pour mener le rondeau sur l’airial landais.
Dans les années 1970, l’intérêt pour les pratiques musicales rurales et l’action de certains musiciens comme Alain Cadeillan, la remettent à l’honneur.

Redécouverte au XXème siècle

En ce début de XXI° siècle la cornemuse «landaise» connaît un certain regain d’intérêt puisque les « bohaires » se comptent par dizaines dans le sud de la France, et même au-delà en France … et jusqu’en Australie. Elle anime des bals et participe à diverses manifestations de rue, mais peut aussi se produire en concert, ou se fixer sur des disques compacts.

Si elle demeure encore la seule cornemuse du domaine français de type «clarinette », elle peut tout aussi bien évoluer par l’adjonction de bourdons, chez certains facteurs, par exemple, mais aussi par une augmentation du nombre de trous de jeu, pour l’obtention de certains chromatismes, par exemple. Bref, on l’aura compris, la cornemuse des landes est bien vivante aujourd’hui, pour le plaisir de tous.

Lo Torrin Bohaires confinats

 


Cette page contient des extraits de la fiche d'inventaire du Patrimoine Culturel Immatériel décrivant cette pratique.
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